Vannes : la chienne Rumba libère la parole de jeunes

Publié : 28 novembre 2023 à 8h31 par Marie Piriou

Depuis un an, la chienne Rumba a pris ses quartiers à la gendarmerie de Vannes où elle accompagne les mineurs victimes de violences intrafamiliales ou sexuelles lors de leurs auditions, une première en France.

En un an, Rumba a accompagné plus de 150 personnes lors de leurs dépositions.
En un an, Rumba a accompagné plus de 150 personnes lors de leurs dépositions.
Crédit : Facebook | Rumba, Chien d'Assistance Judiciaire, Gendarmerie de Vannes

Des posters de Harry Potter, des peluches et dans un coin, le coussin de Rumba avec sa balle : le bureau de Muriel Gallard, cheffe de la cellule de protection des familles, détonne. Tout comme l'ensemble du service où sont auditionnés des enfants "pour des faits graves, des violences intrafamiliales ou à caractère sexuel", indique l'adjudante.

L'exercice est délicat à la fois pour l'enfant, "il ne nous connaît pas, ne connaît pas les lieux et doit nous parler de la chose la plus terrible qui lui soit arrivée", mais aussi pour l'enquêteur car ce dernier doit "très rapidement établir un lien de confiance pour amener l'enfant à se confier", explique-t-elle.

 

 

Quand Muriel Gallard découvre l'existence de chiens d'assistance judiciaire pour accompagner des victimes mineures dans des tribunaux, elle décide de faire de même dès le début de l'enquête.

Depuis novembre 2022, la Golden Retriever "a accompagné plus de 150 personnes lors de leurs dépositions, parmi eux 102 enfants", comptabilise l'adjudante.

 

Les enfants viennent avec l'envie de rencontrer Rumba

 

 

Ce jour-là, deux fillettes de huit et neuf ans, accompagnées de leur père, viennent à la gendarmerie. Ils sont accueillis dès le portail par Rumba, vêtue de sa cape bleue de travail.

La chienne de trois ans les suit dans la salle d'accueil et s'installe avec les petites filles sur un canapé, l'occasion de quelques caresses et d'une mise en confiance avant leurs auditions.

"C'est une bonne méthode, ça rassure les enfants", salue le père, qui raconte que ses filles étaient inquiètes à l'idée de parler à des gendarmes. Pour les tranquilliser, il leur a montré des photos de Rumba, qui s'affiche sur les réseaux sociaux. Elles sont venues "avec l'envie de rencontrer la chienne", poursuit-il.

"Elle est douce et elle est belle", décrit une des fillettes en caressant Rumba après l'audition.

 

Deux ans de formation

"Ce sont des interactions libres, tout ce que je demande à la chienne c'est de rester à côté de la victime", complète Muriel Gallard.

Rumba donne accès à des enfants qui, sans l'animal, ne seraient pas venus à l'audition et a aussi permis, dans des cas de "réels blocages (...), à l'enfant de trouver en lui les ressources nécessaires" pour raconter son histoire, assure l'enquêtrice.

Le canidé apporte aussi du réconfort au parent, comme en témoigne la mère d'un petit garçon de quatre ans auditionné quelques jours plus tôt. "J'étais très émue et Rumba a posé sa tête sur mes genoux, je l'ai caressée, ça m'a fait du bien", confie-t-elle.

 

 

Démocratiser la présence de tels chiens, en s'inspirant d'initiatives pionnières aux Etats-Unis, ne se fait pas du jour au lendemain. Concernant les tribunaux, 21 chiens sont actuellement en exercice, avec l'objectif d'en déployer 20 supplémentaires par an.

Il faut compter environ deux ans pour former un chien, pour un coût de 17.000 euros. Les chiens d'assistance judiciaire doivent aimer "rester au contact de l'humain" pendant de longs moments et être capables de gérer des émotions fortes, détaille Stéphanie Gachet, qui a éduqué Rumba au centre de Saint-Brandan (Côtes-d'Armor) de l'association Handi'chiens, seule habilitée en France à former des chiens d'assistance judiciaire.

 

Avoir les ressources pour accueillir un chien d'assistance judiciaire

L'initiative sera présentée ce mardi dans le cadre du salon Agir des innovations en gendarmerie. Elle pourrait être dupliquée dans d'autres gendarmeries mais nécessite "un investissement lourd", indique le lieutenant-colonel William Mialon.

"Il faut un gendarme prêt à s'engager professionnellement et personnellement" pour vivre avec l'animal et s'en occuper "comme un animal de compagnie, mais aussi trouver le budget pour la prise en charge du chien", sa nourriture, les frais vétérinaires, ainsi que la formation du gendarme référent, détaille Muriel Gallard. Dans son cas, des associations couvrent ces frais.

Depuis mai, Rumba n'est plus seule à aider les gendarmes à recueillir la parole de jeunes victimes. Son demi-frère a rejoint la maison de protection des familles à Arras (Nord).

(avec AFP)