Notre-Dame : "le sentiment du devoir accompli"

Publié : 6 décembre 2024 à 10h43 par Denis LE BARS

3 000 personnes figureront ce samedi 7 décembre parmi les invités de la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris. Parmi elles, François Asselin, PDG de la menuiserie Asselin basée à Thouars.

La flèche de Notre Dame en construction
La flèche de Notre Dame en construction
Crédit : Alouette | DLB

Spécialisée dans la restauration des monuments historiques, la société deux-sévrienne a été associée à trois autres entreprises pour réaliser notamment la charpente de la flèche de Notre-Dame. Un travail d'orfèvre accompli avec passion et fierté par une quinzaine d'ouvriers pendant 18 mois. Entretien.

 

François Asselin, ce chantier de Notre-Dame, c'était un chantier exceptionnel ?

C’était un chantier exceptionnel pour deux raisons. D’abord la complexité, surtout cette partie-là. La flèche, c’est vraiment l’élément le plus complexe en termes de charpente sur la cathédrale. Et puis par la contrainte, la contrainte de temps. Parce que très peu de temps après le sinistre, le président de la République avait dit que dans 5 ans, on rouvrira Notre-Dame. Donc nous étions, effectivement, sur un sujet complexe et sur un volume de travail très important, dans un espace-temps très contraint.

 

Vous avez donc travaillé avec trois autres entreprises. On imagine que la coordination n’a pas toujours été facile. Avez-vous dû être complémentaires les uns des autres ?

Oui, c’était un sacré exercice. Parce-qu’il faut bien s’imaginer que dans la vie de tous les jours nous sommes concurrents. Dès fois, nous sommes des concurrents acharnés sur les affaires. Lorsque j’ai constaté le volume qu’il y avait à réaliser en charpente, et puis surtout le délai qui était contraint, je me suis dit qu’il fallait absolument s’y mettre à plusieurs. On aurait pu le faire tout seul, mais il aurait fallu laisser pendant près de deux ans tous les clients de l’entreprise. Ça, c’est extrêmement dangereux (rires). Et puis Notre-Dame, ça se partage. Donc la logique de tout ça, c’était effectivement de faire un groupement d’entreprises et d’apprendre à travailler ensemble en collaborant.

Ce que l’on a fait, collectivement, c’est qu’on a signé une charte de bonnes pratiques pour, premièrement, éviter de se piquer les gars et pour, deuxièmement, faire en sorte que lorsqu’on communique, on doit parler au nom de tout le monde. On s’est donc concentré sur la flèche, du tabouret à l’aiguille, où là, les équipes ont travaillé ensemble. C’est-à-dire qu’on n’a pas séparé la flèche en trois parties. Les mêmes équipes ont travaillé toutes ensemble et ça s’est magnifiquement bien passé.

Finalement, c’est la fierté du métier de charpentier qui a parlé. C’est-à-dire qu’un charpentier de chez Asselin avait à cœur de montrer qu’il était aussi bon, sinon meilleur, qu’un charpentier d’une autre entreprise. Et ça a fonctionné dans tous les sens. Pour ces raisons profondément humaines, il y a eu une émulation collective extrêmement positive. Non seulement, techniquement, on était à la hauteur du défi, mais dans les délais, nous avons aussi rempli nos objectifs et répondu à l’attente de notre client qui était l’établissement public. Et puis, bien sûr, les architectes en chef des monuments historiques.

 

Ce chantier de Notre-Dame, c’est une grande fierté pour vous ?

Être l’un des acteurs de la reconstruction de la flèche de Notre-Dame, oui, quelque part. Jusqu’à la fin de mes jours, quand je passerai devant Notre-Dame, je pourrai dire à mes enfants et mes petits-enfants : "Regardez, c’est notre entreprise !". Ceux qui ont travaillé dessus, les charpentiers de l’entreprise Asselin pourront faire la même chose. C’est quand même assez unique dans sa vie de pouvoir montrer tout simplement un tout petit bout de ce qu’on a pu faire. Et puis quand c’est beau, quand c’est bien, quand c’est admiré, ça remplit le cœur de l’homme d’une façon très positive. On a le sentiment du devoir accompli.

Au-delà de tout ça, on sent bien que ça procure beaucoup d’admiration, beaucoup de joie et même beaucoup de sérénité a beaucoup de Français. Y compris dans le monde entier, Notre-Dame ce n’est pas n’importe quoi.

 

On imagine que Notre-Dame est une référence de plus pour votre entreprise, en vue de chantiers futurs.

Dire que ça nous donne des chantiers, non, ça ne fonctionne pas comme ça. Ce n’est pas parce que vous avez fait Notre-Dame qu’on va tout de suite frapper à la porte de votre entreprise pour vous donner d’autres chantiers (rires). Ça se saurait, je l’ai vécu avec l’Hermione. Ça n’a pas déclenché un afflux massif de clients. Mais, en revanche, ces chantiers assoient l’entreprise et ses savoir-faire. Les clients sont, ainsi, au courant que nous savons mener des projets complexes et ça c’est très important. Parce que vous n’avez pas besoin d’expliquer ce que vous savez faire, comment vous le faites, etc. Ça appartient intrinsèquement à l’entreprise et il faut qu’on le maintienne.

 

Avez-vous une anecdote du chantier de Notre-Dame à nous raconter ?

L’ensemble des noms des compagnons ont été inscrits sur un parchemin, sellé dans un tube en plomb qui se retrouve à l’intérieur du coq à 96 mètres de haut. Donc tous les compagnons, y compris ceux de l’entreprise Asselin qui ont travaillé à la restauration de Notre-Dame, sont présents à l’intérieur du coq de Notre-Dame.

Il y a eu une petite cérémonie, à laquelle nous avons participé, avec le président de la République tout en haut de l’échafaudage. C’était très impressionnant ! Parce que vous êtes à 96 mètres sur un échafaudage qui fait 3 mètres par 3 mètres. Ce qui était assez unique, c’est que nous avions une vision à 360 degrés de Notre-Dame et de tout Paris. C’était splendide !

(retranscription Mikaël Le Gac)