2020, vers une année record pour l'épargne en France, malgré d'importantes disparités

Publié : 27 novembre 2020 à 11h02 par Marie PIRIOU

Les Français ont épargné 90 milliards d'euros supplémentaires sur les neuf premiers mois de l'année, du fait de la crise sanitaire et économique, selon les derniers chiffres de la Banque de France, un niveau record qui cache de fortes disparités.

ALOUETTE
Crédit : Pixabay

Tous les experts interrogés par l'AFP en conviennent, l'année 2020 représente "du jamais vu" en ce qui concerne les comportements d'épargne en France. De 15% au quatrième trimestre 2019, le taux d'épargne des Français, déjà élevé par rapport à la moyenne européenne, est passé à 26,7% au deuxième trimestre, selon l'Insee. Et si le troisième trimestre pourrait faire état d'une légère décrue, il ne devrait pas revenir à son niveau d'avant-crise, estiment les experts.

Epargne supplémentaire de 90 milliards d'euros

Le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a révélé dans une interview à Ouest-France, publiée jeudi soir, que sur les trois premiers trimestres de l'année, la crise du Covid-19 avait engendré une épargne supplémentaire de l'ordre de 90 milliards d'euros, soit 4% du PIB. A titre de comparaison, les Français avaient épargné 143 milliards d'euros en 2019. Cette "explosion" de l'épargne est due "essentiellement à la difficulté simplement à dépenser", notamment lors du premier confinement, a expliqué à l'AFP Valérie Plagnol, économiste et présidente du Cercle des épargnants. Autre facteur explicatif, "les enquêtes montrent une inquiétude réelle sur le chômage", incitant les ménages à se constituer "une épargne de précaution".

De ce fait, les placements les plus liquides ont tiré leur épingle du jeu. Le Livret A a connu une collecte nette de presque 25 milliards entre janvier et fin octobre, le double de celle observée à la même période en 2019, et un record historique.

Baisse historique de l'assurance vie

En revanche, l'assurance-vie, premier placement en France avec un encours de 1.753 milliards d'euros, est la grande perdante de l'année 2020. Entre janvier et octobre, l'assurance-vie a connu une décollecte de 7,3 milliards d'euros, "une baisse historique", a commenté auprès de l'AFP Franck Le Vallois, nouveau directeur général de la Fédération française de l'assurance. Cette évolution s'explique surtout par une collecte bien moindre, le niveau des prestations versées restant très proche de celui de 2019, permettant d'écarter l'hypothèse de retraits massifs. "L'assurance vie est une des victimes collatérales de la crise sanitaire du fait de sa nature de placement à long terme", a commenté dans une note Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'épargne. Mais la désaffection pour ce produit avait précédé le Covid-19 et s'explique par la baisse depuis plusieurs années des rendements des fonds en euros, très prisés des épargnants il y a encore quelque temps, rappelle Valérie Plagnol.

Des disparités chez les Français

A l'opposé de l'épargne de précaution, l'épargne financière s'est également bien portée. Selon un rapport trimestriel du groupe BPCE, les titres ont fait l'objet entre mars et septembre "d'achats opportunistes" pour 15,6 milliards d'euros, contre 1,4 milliard en moyenne en 2018 et 2019 sur la même période. Avec l'effondrement des marchés en mars, qui ont depuis rebondi, un certain nombre d'épargnants ont vu une opportunité d'investir à bon compte.

La hausse générale du taux d'épargne observée cette année cache cependant d'importantes disparités au sein de la population française. Selon un sondage Kantar mené pour la Banque de France, "seul un Français sur quatre déclare avoir pu mettre plus d'argent de côté que d'habitude" durant le confinement. Et "certains ménages défavorisés n'ont malheureusement pas pu du tout épargner", a déploré M. Villeroy de Galhau. La part des 18-24 ans qui a déclaré avoir pu davantage épargner était légèrement au-dessus de la moyenne des Français (40%) tout comme celle des foyers gagnant plus de 3.700 euros par mois (39%). Et "les hommes ont semble-t-il plus épargné que les femmes" qui ont des emplois plus précaires, a expliqué Valérie Plagnol, pour qui on assiste à "un creusement des inégalités" et à "une précarisation d'une partie de la population". Selon elle, on assiste avec l'épargne à une illustration de la "reprise en K", de plus en plus évoquée par les économistes pour décrire le rebond de certains secteurs tandis que d'autres s'enfoncent dans la crise.

(Avec AFP)