Mobilisation des éleveurs bretons de volailles : "la mention "plein air" sur les boites d’œufs va devenir un mensonge"

Publié : 6 décembre 2021 à 11h44 par Marie Piriou

Une mobilisation régionale des éleveurs bretons de volailles se tient ce lundi dans le Morbihan pour dénoncer le confinement des volailles instauré pour lutter contre la grippe aviaire. Nous nous sommes entretenus avec Gilles Jacob, président du Civam 29 et polyculteur éleveur dans le Finistère.

La grippe aviaire est de retour en Bretagne.
La grippe aviaire est de retour en Bretagne.
Crédit : Pixabay

Un premier cas de grippe aviaire a été détecté chez deux oies mercredi 1er décembre en Bretagne, dans le Morbihan, à Languidic. Des mesures ont été prises notamment le confinement de la volaille et les éleveurs bretons s’y opposent. Rencontre avec Gilles Jacob, président du Civam 29 et polyculteur éleveur dans le Finistère, à Kerlaz.

Les éleveurs de volailles de plein air, dont vous faites partie, se rassemblent ce lundi à Pontivy. Quelles en sont les raisons ?

Il s’agit avant tout de bien-être pour nous, paysans, dans l’exercice de notre métier comme on l’entend depuis des milliers d’années. Les volailles ont toujours été élevées en extérieur et pas en bâtiment. Et puis nous allons de plus en plus vers un bien-être animal et vers un meilleur fonctionnement au niveau de l’environnement par rapport à nos pratiques agricoles. Ces mesures vont totalement à l’encontre de tout ce fonctionnement-là. Cela nous semble complétement aberrant de devoir claustrer des volailles sous prétexte de grippe aviaire, alors que les animaux ont toujours été élevés dehors. Il y a toujours eu des oiseaux migrateurs et il y en aura toujours. Donc ce ne sont pas les bonnes mesures à prendre. Elles sont peut-être importantes pour les filières à grosse échelle, les gros bâtiments industriels parce que c’est là que se développe ce genre de problématiques mais absolument pas pour les filières de plein air. Cela risque d’avoir des grosses répercutions sur plein de choses, comme les volailles rustiques, la disparition de nombreuses races, le terroir… Je pense qu’ils n’ont pas vraiment idée de l’impact écologique, environnemental et social de ce genre de mesures.

Quelles sont vos revendications, concrètement ?

On refuse de claustrer nos volailles. On veut garder nos pratiques, que la population et le consommateur nous soutiennent dans cette démarche. Parce que, sinon, il n’y aura plus de plein air. Et, ce serait un mensonge aussi d’acheter des boîtes d’œufs dans n’importe quel magasin avec écrit "plein air" dessus, parce qu’en fait, elles sont toutes claustrées.

Qu'est-ce qui ne vous convient vraiment pas dans la réglementation actuelle ?

Personnellement, je n’ai plus envie de faire mon métier parce que ce ne sont plus mes valeurs. On nous oblige en tant qu’éleveurs à sortir du système et être en marginalité, ou à devenir éleveur agro-industriel et mettre nos animaux dans des bâtiments.

Quelles sont les conséquences directes du confinement pour vous et vos élevages ?

Le problème, c’est que ce ne sont pas du tout des animaux qui sont faits pour être en bâtiment, les animaux sont faits pour être dehors. Mes animaux mangent de l’herbe ou du grain de la ferme. Mais s’ils sont en bâtiment, je dois leur amener de la nourriture, ça devient très compliqué à aménager. Et puis elles vont commencer à se piquer entres elles et elles pourront avoir d’autres comportements qu’elles n’ont pas habituellement. Parce qu’en fait, elles ont besoin de voir la lumière, elles ont besoin de voir de l’herbe. Ce ne sont pas des animaux faits pour ça, tout simplement.

Certains élevages sont-ils menacés de disparition avec ces mesures ?

Oui car c’est beaucoup de pression. Les personnes qui veulent s’installer en tant que paysan comme moi, quand elles voient ce genre de mesures, elles font marche arrière. Là, il y a 45% des paysans qui vont disparaître d’ici 2026. Il y en aura aussi beaucoup moins qui s’installeront. J’aime ce que je fais, j’ai envie que les gens puissent continuer à manger de la bonne nourriture. Tout comme moi, j’ai envie de continuer à manger de la bonne nourriture. Je n’ai pas envie de devoir changer mes pratiques.

Pensez-vous être entendu ?

On l’espère ! Si on arrive à bien faire notre communication et que de plus en plus de gens font part de ça aux consommateurs, on l’espère, oui.

Entretien retranscrit par Mikaël Le Gac