Bretagne : rachat et destruction de sept maisons menacées par la montée des eaux
Publié : 10h18 par Marie Piriou
En Bretagne, la communauté de communes du Pays bigouden sud (29) rachète sept maisons du bord de mer à Treffiagat. Ces habitations sont séparées de la plage par une dune qui souffre et se réduit à chaque nouvelle tempête. Il y a un risque de submersion et ces maisons seront donc détruites.
Dans le Sud Finistère, des habitants de Treffiagat vont voir leur maison détruite ces prochaines semaines. Sept maisons sont rachetées par la communauté de communes du Pays bigouden sud pour les détruire.
La première maison, achetée le 26 décembre dernier, sera déconstruite d'ici le mois de mars.
Ces habitations font face à la montée des eaux et menacent d’être submergées à chaque nouvelle tempête. Les réalisations d’ouvrages pour limiter cette submersion ne suffisent plus.
Entretien avec Stéphane Le Doaré, président de la communauté de communes du Pays bigouden Sud.
Menacées d'être submergées à chaque tempête, des maisons situées à Lehan précisément vont donc être prochainement déconstruites. Sept au total. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Pour la simple et bonne raison que ce site-là est particulièrement exposé à la submersion marine. Depuis déjà plusieurs années, on a essayé différentes solutions : des gabions, des enrochements, des pieux, des stabiplages… Mais il n’y a rien à faire. A chaque fois, la mer est plus forte et détruit les ouvrages qu’on met en place pour protéger la dune et les maisons qui sont situées derrière. En fait, aujourd’hui, on n’arrive plus à endiguer le phénomène. Après différentes études menées avec des spécialistes, la solution qui a été retenue, pas de gaieté de cœur, c’est le rachat des maisons pour les déconstruire et renaturer cet espace.
La dune du Lehan et les habitations en 2019.
Crédit : Facebook | Pays bigouden sud
Tenter de sauver ces maisons chaque année coûtait cher à la collectivité ?
On a déjà dépensé une centaine de milliers d’euros et on va encore remettre un billet de 40 à 50.000 euros pour reprendre les enrochements déjà présents. Donc rien que pour passer l’hiver, on va mettre plus de 150.000 euros. C’est tous les ans pareil. En fait, le rachat des maisons à hauteur de 2,8 millions d'euros, ajouté à la déconstruction et à la renaturation mène l’opération à 3 millions. On est subventionné par l’Etat à 80%, à travers le Fonds Barnier et le Fonds vert. On a un reste à charge de 600.000 euros. Donc en 2-3 ans, on va amortir les investissements. C’est de l’argent public, c’est de l’intérêt général et c’est de la protection des populations. C’est une décision difficile à prendre mais malheureusement, on n’a plus d’autres solutions.
La mer finira par entrer à cet endroit-là, inexorablement ?
Oui, la mer va percer à cet endroit-là. Il faut admettre que la nature est plus forte. Quand on voit les feux à Los-Angeles aux Etats-Unis qu’ils n’arrivent plus à juguler, quand le phénomène prend des ampleurs comme cela peut être le cas aujourd’hui… En fait, c’est toujours une conjugaison d’éléments : le système dépressionnaire, la position du vent et les phénomènes de courants. Lorsque ces trois facteurs sont alignés dans le mauvais sens du terme pour nous, à coup sûr, la dune lâche.
Travaux de confortement dunaire Treffiagat et Loctudy en décembre 2024.
Crédit : Facebook | Commune de Treffiagat Léchiagat
A partir de quand ces maisons seront déconstruites ?
La première maison a été achetée le 26 décembre dernier et donc le permis de démolir a été obtenu. D’ici à mars, elle sera déconstruite. On a trois autres achats qui sont programmés. Concernant les autres maisons, on va s’adapter car chaque cas est unique et il y a de l’humain derrière. C’est aussi notre rôle de prendre cela en considération. Donc au fur et à mesure qu’on les achète, on les déconstruit.
Quel est le sentiment des habitants de ces maisons ?
Il y a un peu de colère et c’est normal. La nouvelle est quand même dure à accepter. Cette difficulté à se résigner, se dire que demain on n’habitera plus là. Et en même temps, le temps fait son œuvre. Je pense que le jour où les pelles seront là pour enlever la première maison, cela va devenir encore plus prégnant. C’est-à-dire que la maison qu’on voyait dans son jardin, on ne la verra plus.
Certains nous disent que nous n’avons pas tout essayé. On a essayé tout ce qu’il était possible de faire avec les règles actuelles. On m’a dit qu’il fallait construire un brise-lames au large. Aujourd’hui, on n’aurait pas le droit de construire un brise-lames au large. Quand vous voyez la difficulté pour obtenir une autorisation pour mettre quelques éoliennes en mer, très clairement, on n’aurait pas d’autorisation.
Comment les habitants de ces sept maisons seront indemnisés ?
C’est tout à fait équitable. Il y a eu une évaluation qui a été faite par les services des Domaines. L’offre qui leur est faite est à la valeur du marché actuel. C’est-à-dire qu’ils sont payés sur la valeur du bien. Personne n’est spolié dans cette affaire. Certes, cela ne rembourse pas la valeur sentimentale mais on ne met personne dehors. C’est une négociation amiable sur un bien qui n’a plus d’existence à court terme. Cela leur permet de reconstruire ou de racheter une maison.
Une fois ces sept maisons rasées, qu'y aura-t-il à la place ?
Rien ! Il y aura de l’herbe. Parce qu’il nous faut une zone de dissipation. Le jour où on a une brèche dans la dune, la mer va rentrer, se retirer et donc il nous faut une zone où l’eau va se dissiper pour ne pas aller plus loin et pour ne pas atteindre d’autres maisons.
Retranscription par Mikaël Le Gac