"Tout ce qu'elles disent est vrai" : l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec concède avoir violé ses deux nièces

Publié : 2 décembre 2020 à 16h25 par Arnaud Laurenti

"Sa façade commence à s'effondrer" : l'ex-chirurgien pédophile Joël Le Scouarnec a avoué pour la première fois mercredi des faits de viol sur deux nièces, "une avancée énorme" dans ce procès à huis-clos, premier volet d'une vaste affaire de pédophilie.

ALOUETTE
Crédit : Archives

C'est "une avancée énorme" a estimé Me Delphine Driguez l'avocate des deux nièces Helena* et Aurélie*, âgées aujourd'hui de 30 et 35 ans, au sortir de leur confrontation avec l'accusé dans la cour d'assises de Charente-Maritime à Saintes qui le juge depuis lundi. Dans ce dossier, à côté des atteintes sexuelles, il n'était poursuivi pour viol que pour la première.

Des aveux attendus

"Tout ce qu'elles disent est vrai", a lancé l'accusé dans son box, selon plusieurs avocats interrogés par l'AFP.

Il était pourtant apparu "froid" et "fermé" au début de l'audience lundi, selon plusieurs acteurs du procès, mais l'ex-chirurgien a semblé fendre "l'armure" mercredi, veille attendue du verdict. Ce sera aussi le jour de son 70e anniversaire.

"C'est la première fois qu'il reconnaît des pénétrations, c'est un vrai soulagement pour les victimes", a annoncé Me Delphine Driguez. "Il a clairement reconnu les viols sur les victimes qui étaient présentes aujourd'hui à l'audience, les prescrites et non prescrites", dont ses deux nièces, les filles de sa soeur, a-t-elle précisé.

"Par rapport au début du procès, il s'est un tout petit peu ouvert mais je ne parlerais pas quand même d'humanité", plutôt d'un "semblant de volonté de moins s'enfermer dans son monde (...) Elles attendent ce moment depuis 35 ans", a ajouté l'avocate.

Une affaire tentaculaire

"Il a reconnu les viols pour les deux nièces, l'une des deux a réussi à le faire craquer. Il a pleuré", a relaté à son tour l'avocat de l'association partie civile La Voix de l'Enfant, Frédéric Benoist, dans la salle des pas perdus du palais de justice néo-classique, là où s'ébruitent les moments d'audience.

Le chirurgien à la retraite est renvoyé devant cette cour pour avoir agressé sexuellement sa nièce Aurélie* dans les années 90 à Loches et une patiente, Amélie* ainsi que pour des faits de viols sur Héléna*, l'autre nièce à la même période et en 2017 sur Lucie* sa petite voisine à Jonzac.

C'est Lucie qui avait permis son arrestation en mai 2017, point de départ d'une affaire de pédophilie tentaculaire, probablement la plus importante connue en France. Jusqu'ici, il reconnaissait des agressions sexuelles mais avait toujours nié les faits de viols, punissables de 20 ans de réclusion criminelle.

À Saintes, ne sont examinés qu'une infime partie des faits désormais reprochés au chirurgien: depuis octobre, il est mis en examen dans un deuxième volet à Lorient pour viols et agressions sexuelles sur 312 victimes potentielles identifiées à la lumière de ses "carnets", retrouvés chez lui en 2017, dans lesquels il avait consigné le récit de leurs agressions sur 30 ans de carrière à l'hôpital. Il a reconnu certains faits.

Un début

"On a une façade qui commence à s'effondrer, mais pas totalement. On n'est pas encore arrivés à des aveux circonstanciés", a relativisé Me Francesca Satta, l'avocate de Lucie, âgée aujourd'hui de 10 ans. Elle espère qu'il aura "le même courage" lors du face-à-face à venir de la mère de la fillette avec son ancien voisin. En avril 2017, sa fille lui avait raconté qu'il avait montré son "zizi" à travers la clôture affaissée du jardin mitoyen avant de révéler un viol digital.

L'accusé avait déjà fait un pas mardi en avouant des viols (pénétrations digitales) sur deux anciennes victimes écartées du dossier en raison de la prescription, des aveux pour des faits au milieu des années 80, sur une autre nièce et une ancienne voisine, qui ont ouvert une brèche dans le procès.

"Pour mes clientes c'était très important", a souligné auprès de l'AFP Me Nathalie Bucquet, avocate de l'association partie civile Innocence en danger qui porte la voix de ces deux femmes aujourd'hui quadragénaires.

* prénoms modifiés

(avec AFP)