Décès de Robert Badinter, ancien ministre de la Justice qui a fait abolir la peine de mort
Publié : 9 février 2024 à 11h44 par Joséphine Point avec AFP
Robert Badinter est décédé à l'âge de 95 ans.
Robert Badinter, l'ancien ministre de la Justice de François Mitterrand qui a porté l'abolition de la peine de mort en France, est décédé dans la nuit de jeudi à vendredi, a-t-on appris auprès de sa collaboratrice, Aude Napoli. Il était âgé de 95 ans.
Ministre de la Justice du président socialiste François Mitterrand, il porta la loi du 9 octobre 1981 qui abolit la peine de mort, dans une France alors majoritairement en faveur de ce châtiment suprême.
Il s'investit par la suite, jusqu'à son "dernier souffle de vie", pour l'abolition universelle de la peine capitale. Avec l'exécution, "le crime change de camp", soulignait ce fils de fourreur, né à Paris le 30 mars 1928 dans une famille juive émigrée de Bessarabie (l'actuelle Moldavie).
Cet homme mince et élégant aux épais sourcils noirs, défenseur d'une France "au service des libertés et des droits de l'homme", tenait sa soif de justice d'une adolescence marquée par la Seconde Guerre mondiale. En 1942, alors qu'il n'a que 14 ans, son père est arrêté sous ses yeux à Lyon. Il mourra en déportation dans le camp de concentration de Sobibor (Pologne), tandis que sa famille est réfugiée en Savoie.
Une passion militante
Après des études de lettres et de droit, et un diplôme de l'université Columbia comme boursier, Robert Badinter devient avocat au barreau de Paris et mène parallèlement une carrière d'enseignant universitaire. Cofondateur avec Jean-Denis Bredin d'un prestigieux cabinet d'avocats d'affaires, il défend des personnalités, des grands noms de la presse ou de l'entreprise, et plaide occasionnellement aux assises.
C'est lorsqu'il échoue, en 1972, à sauver de la guillotine Roger Bontems, complice d'une prise d'otages meurtrière, qu'il passe "de la conviction intellectuelle à la passion militante" contre la peine de mort, témoignera-t-il dans son livre "L'Abolition". Cinq ans plus tard, il évite la peine capitale au meurtrier d'enfant Patrick Henry, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Cinq autres hommes échappent grâce à lui à l'échafaud.
Devenu ministre de la Justice (1981-1986), celui qui était considéré par certains comme l'"avocat des assassins" est la cible de toutes les attaques lorsqu'il fait voter l'abolition de la peine de mort. "Jamais je n'ai eu l'impression d'une telle solitude", dira-t-il.
Robert Badinter oeuvre aussi pour l'amélioration des conditions de vie dans les prisons. Il fait voter la suppression des quartiers de haute sécurité, celle de juridictions d'exception, la dépénalisation de l'homosexualité, l'accès des justiciables français à la Cour européenne des droits de l'homme, une loi sur l'indemnisation des victimes d'accidents.
Après son départ du gouvernement, il préside pendant neuf ans le Conseil Constitutionnel (1986-95).
Divorcé d'une actrice épousée dans les années 1950, il était marié depuis 1966 à la philosophe Elisabeth Badinter, née Bleustein-Blanchet, avec qui il a eu trois enfants.
Un hommage national sera rendu à l'ancien ministre de la Justice et père de l'abolition de la peine de mort, mercredi midi place Vendôme.