Dernier saut aux Jeux paralympiques pour Marie-Amélie Le Fur

24 août 2021 à 7h53 par Bastien Bougeard

Les Jeux Paralympiques démarrent ce 24 août à Tokyo et ce seront les derniers Jeux de Marie-Amélie Le Fur. L’athlète du Centre-Val de Loire remet en jeu son titre du saut en longueur dans la nuit du 27 au 28 août. Elle va ensuite ranger définitivement les baskets après 15 ans au plus haut-niveau.

Marie-Amélie Le Fur

Crédit : (c) G-Picout - CPSF

Maire-Amélie Le Fur est une star de l’handisport en France. À son palmarès, 8 médailles aux Jeux paralympiques dont 3 titres et elle compte bien ajouter une 4e médaille d’or à l’occasion de la 16e paralympiade qui démarre ce 24 août à Tokyo. Elle se confie sur ses derniers Jeux Paralympiques qui se déroulent dans un contexte particulier en raison de la situation sanitaire.


Quels sont les objectifs cette année aux Jeux paralympiques de Tokyo ?


Cette année, je pars avec l’objectif de faire une médaille. Parce qu’à la différence de mes précédents Jeux paralympiques, je ne participerai qu’à une seule et unique épreuve qui est le saut en longueur. D’habitude, je cours et je saute. Cette année, on a vraiment décidé de se focaliser uniquement sur le saut en longueur. Parce qu’il fallait qu’on progresse, il fallait qu’on atteigne un niveau de performance assez exceptionnel. Et le faire sur plusieurs disciplines, nous apparaissaient compliqué. Et il faut aussi ne pas se le cacher, j’approche de mes 33 ans, donc, le corps ne récupère plus non plus de la même façon. C’est le choix qu’on a choisi de faire. Donc, ce sera le saut en longueur avec l’objectif de ramener un quatrième titre paralympique à la maison.


Que pensez-vous du contexte de ces Jeux ?


Ce ne sont pas forcément les derniers Jeux que j’avais imaginé, ou tout du moins espéré. J’ai choisi de pratiquer du sport de haut niveau aussi pour le partage, pour les rencontres, pour transmettre des émotions… Et faire ces Jeux paralympiques sans public, le faire loin de ma famille, c’est quelque chose qui va être assez compliqué pour moi. Mon coach ne sera également pas présent lors de ces jeux. Donc, c’est énormément de données qu’il faut prendre en compte et avec lesquelles il faut se préparer. Ça a été un petit tumulte pendant quelques temps pour se recentrer mentalement et moralement parlant à la suite de ces différentes annonces. L’absence de public et l’absence de la famille, on a eu l’occasion de s’y préparer au travers de différents meetings en début d’année. Maintenant, il suffit de se préparer à l’absence du coach et de trouver une nouvelle relation avec l’équipe de France et son staff qui lui sera présent lors de ces Jeux.


Vous avez connu Pékin et Londres où il y avait beaucoup de public dans les stades. Là, vous allez passer au vide total. Ça fait un drôle de contraste quand même alors que les Jeux paralympiques suscitent de plus en plus l’intérêt ?


Oui, ça va effectivement être un drôle de contraste. Surtout pour les athlètes, je pense, qui ont connu les deux dernières éditions des Jeux paralympiques, et notamment les Jeux de Londres. Voilà, c’est comme ça. On a pu s’habituer, malheureusement, à l’absence de public sur les Championnats du monde, sur les Coupes et les différents meetings que nous avons fait depuis l’apparition du virus. Donc, c’est quasiment maintenant quelque chose d’habituel mais, je pense effectivement, que le public va nous manquer. J’espère qu’on aura l’occasion véritablement, au travers des dispositifs aussi qui sont mis en place en France, de pouvoir être suivis et accompagnés par les téléspectateurs, par les Français et par les médias. Parce que si le soutien ne se fait pas en direct dans les stades, il peut se faire à distance via différents moyens, notamment les médias, l’événement qui se déroulera aussi au Trocadéro. Donc, j’espère vraiment que les Français et les médias voudront se mobiliser pour soutenir toute notre équipe de France.


Ces Jeux vont être une impulsion à donner en vue des Jeux paralympiques de Paris qui auront lieu dans 3 ans ?


Oui, on avait énormément d’ambitions sur ces Jeux paralympiques de Tokyo. Ce sont les derniers Jeux d’été avant les Jeux de Paris 2024. On voulait vraiment que l’accent soit mis sur la médiatisation, la reconnaissance, la valorisation des sportifs paralympiques. On voulait que Tokyo puisse aussi permettre au grand public, aux Français de mieux comprendre, à la fois qui sont les sportifs paralympiques, mais aussi la façon dont sont organisés les sports, les règles et les classifications. Et l’autre enjeu, c’était aussi de faire adhérer l’ensemble de nos parties prenantes, de leur faire découvrir, finalement, ce que c’est l’envers du décor paralympique, quelles sont les émotions qui sont transmises. On ne peut pas le faire en raison de la Covid, donc, l’idée c’est de concevoir cette ambition autrement, notamment au travers du dispositif parisien sur le Trocadéro où on pourra avoir cet échange entre le sportif, le grand public et les différentes parties prenantes de Paris 2024.


En tant que présidente du Comité Paralympique et Sportif Français, vous mettez un objectif de combien de médailles ?


L’objectif qui a été discuté, échangé avec les fédérations, avec l’Agence nationale du Sport, est un objectif autour de 35 médailles. Pour situer, à Rio, l’équipe de France paralympiques avait ramené 28 médailles et s’était classée à la douzième place au classement des Nations. Donc, on espère cette année, au travers de tout l’engagement des fédérations, au travers d’une montée en puissance des sportifs français, pouvoir atteindre ce quota des 35 médailles.


Organiser ces Jeux dans ce contexte sanitaire, est-ce compliqué ?


C’est vrai que ça a été une organisation très compliquée. On a reçu, en tant que pays qui envoi des athlètes aux Jeux, différents Playbooks qui donnaient un petit peu la marche à suivre pour les athlètes et pour les délégations. Et plus les Playbooks sortaient, et plus on voyait finalement la complexification d’être dans la bulle sanitaire et tout ce qui allait être demandé au staff. C’est énormément de logistique et de complexités. Mais, j’ai l’impression que nos athlètes français aux Jeux Olympiques ont réussi brillamment, on va dire, l’épreuve administrative de ces Jeux Olympiques. Donc, il n’y a pas de raison qu’on n’y arrive pas aux Jeux paralympiques. Et nos athlètes sont maintenant habitués à fonctionner en bulle sanitaire sur les compétitions. On sait aussi que le moment de l’arrivée à l’aéroport va être très long, mais sur ça les athlètes sont préparés, il ne faut pas oublier que ce sont des champions de très haut niveau qui sont capables aussi de s’adapter à des situations un peu singulières.


Vous allez donc refermer ce beau livre de votre carrière sportive… Quand le dernier saut sera passé, vous penserez à quoi ?


Je pense qu’il y aura deux pensées toutes particulières. La première, ce sera pour ma famille, pour mon mari, ma fille, mes parents et ma sœur qui sont là depuis toujours, depuis mes premiers Jeux en 2008, qui m’ont toujours accompagnée et soutenue malgré mon caractère très difficile. Une pensée aussi, bien évidemment, pour mes amis très proches qui m’auront soutenu dans cette difficulté. Et la deuxième pensée particulière, ce sera pour mon équipe de coachs, actuellement, il y a trois coachs qui m’accompagnent dans cette aventure. Malheureusement, ils ne seront pas à mes côtés lors de ce championnat.


Que peut-on vous souhaiter pour finir ? L’or ?


C’est l’objectif, effectivement, de ramener l’or de Tokyo. Je pense qu’il faudra passer par la case du record du monde si on veut aller chercher ce titre paralympique, certainement au-delà des 6 mètres. Ça va être un moment très difficile, certainement le concours le plus difficile de ma carrière. Mais pour moi, je le prends véritablement comme une très bonne nouvelle. Ça veut dire aussi que le mouvement paralympique est encore en phase de construction, qu’on a un niveau des athlètes qui continu d’augmenter, et la densité dans ma catégorie a vraiment énormément évolué, la performance de mes concurrentes aussi. Je suis vraiment ravie de pouvoir encore participer à cet événement sportif et j’espère être tout simplement à la hauteur du rendez-vous.


(Interview retranscrite par Mikaël Le Gac)