Affaire Grégory : 40 ans plus tard, le mystère reste entier
16 octobre 2024 à 8h08 par Joséphine Point avec AFP
Le corps de l'enfant a été retrouvé dans une rivière il y a 40 ans jour pour jour.
C'est l'une des grandes énigmes policières de ces 40 dernières années. Le 16 octobre 1984, le corps de Grégory Villemin, âgé de 4 ans, était retrouvé pieds et poings liés, dans une rivière des Vosges. L'enquête a connu de très nombreux rebondissements, laissant entier le mystère autour de ce meurtre.
"17 765 pièces de procédure, 42 tomes, sept magistrats instructeurs", résume Philippe Astruc, procureur général à Dijon, où l'enquête est encore instruite.
Le 16 octobre 1984, le corps noyé du petit Grégory est découvert ligoté dans la Vologne, une rivière des Vosges. "Voilà ma vengeance - Pauvre con", revendique une lettre anonyme adressée au père par un corbeau qui harcèle depuis plusieurs années la famille de Jean-Marie Villemin, 26 ans, et son épouse Christine, 24 ans.
L'enquête s'oriente vers le clan Villemin. Moins de trois semaines après la mort de Grégory, Bernard Laroche, un cousin du père, est mis en examen. Le coupable semble découvert. À tel point que le père de Grégory en est persuadé et le tue, en mars 1985, alors que son cousin a été relâché quelques semaines plus tôt.
Les enquêteurs se tournent ensuite vers la mère de Grégory, Christine. Inculpée le 5 juillet 1985, son procès aux assises est ordonné fin 1986. Mais la Cour d'appel prononce en 1993 un non-lieu en sa faveur.
Le suicide du juge d'instruction
"La justice a été complètement lamentable. Le juge d'instruction était incompétent", résume Thierry Moser, avocat historique de l'affaire, qui défend les époux Villemin depuis 39 ans. Le juge en question, Jean-Michel Lambert, ne peut répondre : il s'est donné la mort le 11 juillet 2017.
Le changement de parquet ne suffira pas à éviter les couacs. En 2017, c'est au tour de Marcel et Jacqueline Jacob, grand-oncle et grand-tante de Grégory, d'être mis en examen, tout comme Murielle Bolle, la belle-soeur de Bernard Laroche. Moins d'un an plus tard, ces mises en examen sont annulées pour vices de forme.
L'enquête tente de rebondir
En mars dernier, de nouvelles expertises ont été ordonnées : sur des ADN mais aussi sur la "fréquence vocale", sorte "d'ADN de la voix", des appels téléphoniques du corbeau.
Cette technique, encore très avant-gardiste, va d'abord nécessiter une étude de faisabilité, et donc du temps, mais les tests ADN devraient donner des résultats "d'ici cinq à six mois", croit Me Moser. "Je suis raisonnablement optimiste", dit-il.
De toute façon, "imaginer qu'une expertise va tout à coup trancher le noeud gordien est illusoire", dit-il. "C'est un élément supplémentaire à d'autres éléments", tempère le magistrat. "On peut aujourd'hui percer le mystère des pharaons. Alors pourquoi pas celui-là ?", renchérit son collègue, François Saint-Pierre, pour qui il reste possible de "sauver une enquête si mal partie".
"Il faut continuer, répond le procureur général. On le doit à un petit garçon, à des parents". "Il y a encore des témoins qui sont de ce monde. Il y a encore des éléments scientifiques qui peuvent concourir au dossier. Essayer de découvrir la vérité n'est jamais un acharnement", conclut-il.